Le fabuleux destin de Jean-Louis MICHEL
Jean-Louis Michel naît dans la colonie française de Saint-Domingue, en 1785. Orphelin, il arrive en France à l'âge de huit ans et est recueilli par une famille de Montauban avant de devenir enfant de troupe au sein de l'armée napoléonienne. Puis il est confié à monsieur d'Érape, maître d'armes belge qui fait de lui, à force de volonté et de travail, un tireur exceptionnel. Rapidement, sa réputation de tireur et de duelliste se répand dans toute l'armée.
Un jour, alors que la 3è division de l'armée de l'empereur Napoléon Ier arrive à Madrid, une querelle de soldats éclate entre le régiment de Jean-Louis et le 1er régiment composé d'Italiens. Afin d'arrêter la tuerie, le conseil de guerre décide que les maîtres et les prévôts des deux régiments assumeront la responsabilité de la querelle. Quinze tireurs sont désignés de chaque côté pour se battre en duel. Devant dix mille témoins, Jean-Louis Michel et Giacomo Ferrari, maître florentin renommé, commencent. Ferrari est blessé à mort. Le second adversaire également. En quarante minutes et treize combats, Jean-Louis Michel donne vingt-sept coups d'épée dont trois mortels. L'honneur des régiments étant lavé, la camaraderie put reprendre ses droits dans les rangs de cette armée composée de soldats de différentes nationalités, au gré des conquêtes.
Le 29 juillet 1814, Jean-Louis est fait chevalier de la Légion d'honneur pour ses états de campagne où figurent les noms de 40 batailles, dont Iéna, Friedland et Ciudad-Réal. En 1815, après Waterloo, il est consacré 1er maître d'armes de France. À 28 ans, il a gagné l'estime et la reconnaissance de tous, ses subordonnés l'admirent et ses supérieurs l'honorent en l'invitant à leur table.
Sous la Restauration, Jean-Louis s'installe à Montpellier et crée sa propre salle d'armes. Sa salle jouit d'un fort prestige dans la société militaire et civile montpelliéraine et dans toute la France. À cette époque, les querelles politiques et sociales se règlent par des duels à l'arme à feu ou l'arme blanche... Il était donc prudent d'acquérir le savoir-faire du célèbre maître d'armes.
L'escrime n'est pas un sport, c'est un art...
"L'escrime n'est pas un sport. C'est un art. Les quatre qualités remarquables qu'elle développera sont la coordination, la précision, la vivacité et l'équilibre...
Malheureusement, il existe deux types d'escrime dans ce pays (ou dans le monde) - le bien et le mal.
Si l'escrime est pratiquée dans le mauvais sens, il y a des positions inconfortables, de nombreux mouvements saccadés, excités, non coordonnés. Ici, les adversaires ne se soucient que des points. Il y a beaucoup de heurts d'acier en raison de la grande force qui est utilisée. Ce type de garde est nocif même pour une personne en bonne santé ; le bras d'une femme devient disharmonieusement développé, et tout le combat est laid. Cette fausse escrime est pratiquée dans tout le pays dans la plupart des collèges...
Quelle que soit sa profession ou sa position dans la vie, la santé est une condition essentielle. Si nous avons la santé, c'est à nous de la garder. Si nous ne l'avons pas, alors nous devons faire tout ce que nous pouvons pour améliorer notre état de facultés affaiblies. L'une des nombreuses choses qui aident est un passe-temps. Tout le monde souhaite rester jeune. Ne serait-il pas judicieux de choisir un hobby ? Celui qui vous donnera la santé physique et mentale et en même temps vous gardera jeune ? Une escrime correcte le fera. On n'a pas besoin de s'arrêter à 40 ou 50 à cause de la surcharge du cœur ... C'est pourquoi, peu importe si vous avez 60 ans. Si le bon type d'escrime est fait, vous pouvez continuer, et non pas avec des effets nocifs mais bénéfiques.
Une escrime correcte développera non seulement les qualités physiques et mentales, mais développera également la personnalité et le leadership. Lorsque vous devez faire face à une situation et y réfléchir par vous-même, c'est vous qui devenez plus fort. Plus vous le faites, plus vous avez de courage. Ainsi, gagner en courage et maîtriser les situations augmente votre personnalité et votre leadership. Et aussi en aidant les autres, nous devenons nous-mêmes forts.
Avec une escrime correcte, si un escrimeur expérimenté est placé avec un débutant, chacun peut en tirer un grand profit. L'escrimeur plus âgé essaiera de diriger les mouvements du plus jeune ou moins expérimenté, évitera une double touche en reculant certains au moment opportun ou non, et en même temps développera ou améliorera la retenue et la coordination, une parade et un pouvoir d'extension plus complet. L'escrimeur plus jeune ou moins expérimenté profitera plus rapidement d'une telle étude supérieure de l'adversaire, et améliorera son point de vue et ses façons d'affronter les attaques et les défenses dans la vie. Ce n'est pas le point qui compte mais la manière dont il est atteint. Cela se fait dans le bon type d'escrime, mais pas dans le mauvais type.
N'est-ce pas une sensation délicieuse, quand on a le contrôle de chaque muscle, jusqu'aux orteils, et quand c'est la vigilance, la précision et la puissance mentale qui ont été à l'œuvre ? Ici, c'est la grâce, l'équilibre, l'art, c'est la beauté. Et c'est cela qui gagne et conserve la santé."
Florence E. Ahlfeldt, "L'escrime et sa relation avec la santé", 1932.
Un peu d'analyse du fleuret....
Pour les puristes du tricot (aussi appelé "escrime au fleuret"), voici quelques lignes écrites de la main du (très) grand Maître Raoul Cléry il y a quelques décénies, que j'ai redécouvertes cette semaine, et qui n'ont pas pris une ride :
- une recherche de la mobilité.
- une vitesse d'exécution des actions d'escrime plus élevée qu'auparavant.
- une faiblesse ou un manque de confiance dans la technique manuelle.
- une disparition progressive de la phrase d'armes prolongée (contre-ripostre).
- trop de corps-à-corps, parfois à la limite de la violence.
- une désaffection pour la défensive de base traditionnelle (la parade), et son remplacement par des expédients, des contorsions tendant à faire passer les coups adverses ou à les détourner vers des zones non valables.
- si le jeu du fleuret n'est pas exagérément artificiel ?
- si ses conventions ne sont pas une vue de l'esprit ?
- si ses règles ne sont pas illogiques et inapplicables dans la réalité et dans la passion du combat sportif ?
* Note du Maître Gouhier : a tout ceci je n'ai rien à redire, sauf en ce qui concerne ce dernier paragraphe; et encore uniquement sur les mots. A titre personnel, j'affirme que l'on touche avec les jambes, parce qu'une fois le bras allongé avec la pointe en ligne, c'est bien avec les jambes que l'on va porter la touche. Mais encore une fois je le répète : UNE FOIS LE BRAS ALLONGE ET LA POINTE EN LIGNE !
Le "bouton marqueur soviétique"
Lorsque Armand Jean du Plessis de Richelieu, dit "le cardinal de Richelieu" fait (avec le roi Louis XIII) interdire le duel en 1626, il ne sait pas qu'il vient de provoquer la naissance de l'escrime sportive...
De duel "à outrance" (c'est à dire à mort), le duel devient un duel "au premier sang" (la première blessure), et les cibles évoluent. Là où l'on visait le coeur, il suffira dès lors de toucher à la main. L'escrime évolue, devient fine et le jeu de pointe prédominant.
Des années plus tard, l'escrime devenue sportive "officiellement", se pose la question de la matérialité de la touche.
Les documents suivants présentent une solution de "marquage" qui date de 1957. Certains qui auront été attentifs durant mes cours ne manqueront pas de remarquer que le système présenté est plus récent que le permier système "électrique"... En effet, il se présente comme une alternative au fleuret électrique que beaucoup décrient en accusant l'équipement (arme et tenue) d'être lourd, gênant et peu fiable.
Stéphane Gouhier
Maître d'Armes le la section escrime de l'ASH
Documents fournis par le Maitre René Geuna
Mort du Maître Paul Carrichon, en 1911
Le FIGARO du 02/03/1911 raconte ce drame survenu au fils du Maître de Gaudin : "UN PROFESSEUR D'ESCRIME TUÉ DANS UN ASSAUT (Figaro du 02/03/1911)
Nantes. Ce matin, à la salle du cercle de l'Epée, rue Dugomier a eu lieu un assaut qui a en une issue mortelle. Un amateur M. Fabriès tirait avec un des maîtres de la salle. M. Paul Carrichon, lorsque dans une attaque, il atteignit le professeur au biceps. Au même instant la lame de son épée se brisait à dix centimètres du bouton et le tronçon s'enfonçait dans la poitrine de M. Carrichon de vingt et un centimètres. « Ça y est » gémit le malheureux qui s'affaissa.
M. Fabrîès, aidé d'un ami du professeur, étendit M. Carrichon sur un divan, et l'on s'empressa autour de lui. Mais la gravité de la blessure n'apparaissait point aux assistants. M. Fabries lui même ne s'en rendait pas un compte exact. Se tournant vers le professeur : « Vous ne m'en voulez pas, mon ami ? » lui dit-il. Le blessé eut à peine le geste de lui répondre d'un signe de tête et il expira. Les médecins accourus ne purent que constater le décès.
M. Paul Carrichon, qui vient de trouver la mort dans des circonstances aussi tragiques, était très connu à Paris, où son père a tenu longtemps une salle d'armes très fréquentée. Après avoir fait un stage comme brigadier prévôt aux hussards, à Meaux, il vint à Nantes, où il fut attaché au Cercle de l'Epée. Il a croisé, le fer avec nos meilleurs amateurs. Agé de vingt-huit ans, de taille très petite, il avait une main excellente. Très prompt à la parade et à la riposte il comptait parmi nos jeunes maîtres d'avenir. Il tirait fort bien aux trois armes et dans les assauts publics il obtint de nombreux et mérités succès. Le maître d'armes laisse une femme et deux tout petits enfants sans aucunes ressources.
Maître Carrichon était un Maître d’Armes d’une excellente réputation. Il avait sa salle d’Armes à Paris au 7 Cité du Retiro 8ème arrdt, près de La Madeleine. Tous les ans, il organisait une épreuve format poule à l’épée entre tous ses élèves. Et il forma de nombreux et redoutables tireurs !
Lors du Concours d’Escrime des Jeux olympiques d’Athènes en 1896, c’est l’un de ses élèves Eugène-Henri Gravelotte qui remporte le Concours de Fleuret et qui devient ainsi le 1er médaillé olympique français en escrime (Alexandre Tuffère – triple saut – étant le 1er médaillé français toutes disciplines).
Le Maître Carrichon forma aussi à partir de 1903 le grand champion Lucien Gaudin dont les escrimeurs connaisseurs de l’époque rappelaient que sa force fut vraiment incomparable lorsqu’il travailla avec le « vieux » Maître Carrichon. Lucien Gaudin, figure mythique de l’escrime, remportera les Médailles d’Or aux Jeux olympiques 1928 en fleuret et épée.
Il enseignera aussi au Lycée Carnot, Boulevard Malesherbes.
Malheureusement, alors qu’il était âgé et malade, Maître Carrichon eût la douleur de perdre son fils Paul, lui aussi maître d’armes, lors d’une leçon d’escrime qu’il donnait au Cercle de l’Epée, rue Dugommier à Nantes le 1er mars 1911, à un élève, Emilien Fabriès, 47 ans, négociant en charbon, par ailleurs fondateur du club en 1893. Paul était alors âgé de 27 ans.
Le nom de Carrichon est, pour tous les escrimeurs, inséparable de l’histoire de l’Escrime et plus particulièrement de l’enseignement de l’escrime.
Stéphane Gouhier
Maître d'Armes le la section escrime de l'ASH